Saviez-vous que l’expression « effet de serre », remonte à la fin du 18e siècle et qu’elle tire son origine d’une expérience scientifique réalisée par un Suisse du nom d’Horace Bénédict De Saussure? L’expérience de ce chercheur, dont l’objectif était d’étudier l’effet du rayonnement solaire sur la température de l’air, était constitué d’un dispositif expérimental de cinq coffrets de verre emboîtés les uns dans les autres et équipés de thermomètres. De cette expérience, le chercheur suisse suggéra que l’enveloppe atmosphérique agissait comme les parois de verre d’une serre en retenant la chaleur.
En 1824, le physicien français Joseph Fourier formula une interprétation plus complète de cette expérience pour l’atmosphère terrestre. Il suggéra alors que « la température du sol est augmentée par l’interposition de l’atmosphère, parce que la chaleur solaire trouve moins d’obstacles pour pénétrer l’air, étant à l’état de lumière, qu’elle n’en trouve pour repasser dans l’air lorsqu’elle est convertie en chaleur obscure (rayonnement infrarouge) ». On a donné à ce phénomène de rétention du rayonnement infrarouge le nom d’effet de serre car les vitres des serres de jardiniers, tout comme l’atmosphère terrestre, laissent pénétrer aisément le rayonnement solaire et bloquent partiellement le rayonnement infrarouge émis par les objets se trouvant à l’intérieur de la serre du jardinier.
Pourtant, quand on regarde d’un peu plus près quels sont les véritables « obstacles » qui limitent la perte de la « chaleur obscure » décrite par Fourier, on constate que l’analogie entre la serre de l’horticulteur et le phénomène atmosphérique est imparfaite. Les parois de verre de la serre du jardinier permettent le réchauffement accru de l’air car ils limitent les pertes de chaleur en bloquant les mouvements convectifs [1] qui transporteraient normalement cette chaleur en altitude, alors que le phénomène atmosphérique de l’effet de serre utilise plutôt le « piégeage » d’une partie de la chaleur par les gaz à effet de serre (GES) (encadré) qui sont capables d’absorber le rayonnement infrarouge provenant de la Terre.
Mais quel est donc ce fameux phénomène d’effet de serre dont on parle tant?
Le phénomène naturel de l’effet de serre permet à la température à la surface de la Terre de se maintenir autour de 15 °C en moyenne. Cette température est atteinte car certains gaz contenus dans l’atmosphère terrestre absorbent une partie des rayonnements infrarouges émis par le sol et rabattent vers celui-ci une portion de ce rayonnement, contribuant ainsi davantage au réchauffement des basses couches de l’atmosphère. Sans ces gaz à effet de serre, la température moyenne de la surface de la Terre avoisinerait -18 °C, ce qui aurait limité l’apparition de toute forme de vie.
L’effet de serre n’est pas un phénomène spécifique à l’atmosphère terrestre. Sur la planète Mars, l’effet de serre existe, mais il est beaucoup moins puissant [2] que sur la Terre car l’atmosphère martienne contient très peu de GES. À l’opposé, sur Vénus l’effet de serre est très puissant [3] car l’atmosphère y est très riche en GES.
Du rayonnement solaire au réchauffement de la Terre
Le rayonnement solaire est la première variable de l’équation du phénomène de l’effet de serre. Le Soleil fournit l’équivalent de 342 watts par mètre carré [4] à la Terre (figure 1). Pour bien comprendre la quantité d’énergie associée à cette unité, on peut imaginer que cela équivaut pratiquement à la chaleur de 4 ampoules électriques de 100 watts disposées sur une surface de 1m par 1m. Mais plusieurs composantes de l’atmosphère modifient le parcours du rayonnement solaire durant sa traversée de l’atmosphère vers la surface terrestre. Certaines composantes (ex. les particules de suie noire) absorbent 67 w/m2 alors que d’autres composantes (ex. les nuages) réfléchissent 77 w/m2. En outre, la surface terrestre agit aussi comme un miroir en retournant 30 w/m2. Sur les 342 w/m2 disponibles au départ, il reste seulement 168 w/m2, soit 49 % des rayonnements solaires pour réchauffer la surface terrestre, c’est-à-dire, moins de 2 ampoules de 100 watts par mètre carré. Pas chaud pour nous réchauffer durant l’hiver!
C’est à partir de là qu’entre en action le deuxième phénomène nettement plus efficace pour nous réchauffer. Si le Soleil est le carburant pour réchauffer la planète, l’atmosphère est le moteur qui transforme le tout efficacement. Le rayonnement solaire absorbé par la surface terrestre n’est pas conservé par celui-ci, mais retourné à l’atmosphère sous la forme de rayonnement infrarouge [5]. Ce rayonnement émis (390 w/m2) est presque entièrement absorbé par l’atmosphère [6]. Seule, une petite fraction (40 w/m2) traverse l’atmosphère sans y être arrêtée. Ce sont les gaz à effet de serre (ex. H2O, CO2, CH4…) présents dans l’atmosphère qui absorbent la grande majorité (350 w/m2) du rayonnement émis par la Terre. Mais l’atmosphère émet aussi, à son tour, du rayonnement infrarouge vers la surface. Cette source supplémentaire d’énergie sert à chauffer davantage la surface terrestre qui émettra à son tour encore plus d’énergie vers l’atmosphère. La surface terrestre et l’atmosphère jouent en quelque sorte au ping-pong avec l’énergie. L’effet de serre se réalise alors vraiment, car le rayonnement infrarouge terrestre est absorbé par l’atmosphère dans une proportion beaucoup plus importante que le rayonnement solaire qui pénètre dans l’atmosphère.
Où nous dirigeons-nous?
L’intensification des activités humaines, depuis la fin du 18e siècle, a entraîné une augmentation de la concentration atmosphérique de plusieurs GES, provoquant une amplification de l’effet de serre, susceptible d’engendrer des changements au niveau du climat mondial.
Par exemple, le CO2 a augmenté de plus de 30 % depuis 1750 passant de 280 ppmv [7] à plus de 370 ppmv en 2000 (figure 2). Le méthane (CH4) a quant à lui connu une augmentation de plus de 150 % pour la même période passant de 700 ppbv [8] à 1760 ppbv (figure 2). La croissance de l’agriculture a aussi contribué à augmenter de façon substantielle les émissions d’oxyde nitreux (N2O) qui sont passées de 270 ppbv à 310 ppbv depuis 1750. Certains gaz ont même fait leur apparition dans l’atmosphère, c’est le cas des CFC et des HFC qui sont uniquement d’origine industrielle.
La chaleur provenant de l’absorption du rayonnement infrarouge par les GES de l’atmosphère constitue une puissante source de chauffage pour la surface de la Terre. En présence d’une plus grande concentration de GES dans l’atmosphère, la surface de la Terre absorbera et émettra davantage de rayonnement infrarouge (chaleur), ce qui contribuera à augmenter la température moyenne globale du système Terre-Atmosphère qui tend vers un état d’équilibre. En effet, le bilan d’énergie au sommet de l’atmosphère est toujours équilibré (0 w/m2) car la surface terrestre cède son excédent de chaleur (+102 w/m2) à l’atmosphère déficitaire (-102 w/m2) via les flux (78 w/m2 ) de chaleur latente [9] et de chaleur sensible [10] (24 w/m2) qui sont deux grands modes d’échange d’énergie dans le système Terre-Atmosphère. Sous des conditions de double CO2, ces échanges seront amplifiés, mais le système Terre-Atmosphère (au sommet de l’atmosphère) restera globalement en équilibre. Cependant, cet état d’équilibre devra être atteint à une température supérieure.
Cependant, le phénomène d’amplification de l’effet de serre ne pourrait se résumer à l’étude de l’état de l’accroissement des différents GES dans l’atmosphère car leur augmentation peut engendrer des rétroactions complexes qui auront pour effet bien sûr d’accentuer le réchauffement de la planète, mais parfois aussi de le limiter. Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du climat (GIEC [11]) a évalué la participation des différentes rétroactions [12] dans le processus d’amplification ou d’atténuation de l’effet de serre depuis le début de l’ère industrielle (figure 3). En effet, certaines substances présentes dans l’atmosphère contribuent à son refroidissement, essentiellement en réfléchissant le rayonnement solaire avant qu’il n’atteigne le sol. Mais, il apparaît que les rétroactions négatives qui vont dans le sens d’un refroidissement, comme l’effet des différents aérosols [13](sulfates, carbones organiques, combustion de biomasse) et les changements dans l’albédo [14] (dus à des changements dans l’utilisation du sol), n’arriveront pas à compenser le processus d’amplification de l’effet de serre.
Conclusion
À la fin du 18e siècle, Horace Bénédict De Saussure était sûrement loin de se douter que son expression consacrée, « effet de serre », allait devenir l’une des plus grandes préoccupations environnementales du monde moderne. L’effet de serre est un phénomène naturel souhaité et désirable pour la vie sur terre, mais les émissions récentes de GES associées aux activités humaines ont rompu l’équilibre du phénomène en augmentant constamment la capacité de l’atmosphère à retenir de la chaleur. Pour le moment, il n’est pas simple d’évaluer l’ampleur que cette modification d’un phénomène naturel aura sur l’être humain et les écosystèmes de la planète. Cependant, de plus en plus de scientifiques s’entendent pour dire que le réchauffement est bien réel et que, compte tenu de l’ampleur des conséquences possibles de l’augmentation de ce réchauffement sur la vie sur terre, il est important de tenter d’en limiter les effets dès maintenant.
Bibliographie
- Dubois, P. J. et P. Lefèvre (2003). Un nouveau climat : les enjeux du réchauffement climatique, Turin, Éditions de La Martinière.
- GIEC (2001). Climate Change 2001 : The Scientific Basis, Cambridge, Cambridge University Press.
- Petit, M. (2003). Qu’est-ce que l’effet de serre?, Paris, Édition Vuibert, Collection Planète Vivante.
- Villeneuve, C. et F. Richard (2001). Vivre les changements climatiques : l’effet de serre expliqué, Sainte-Foy, Éditions Multimondes.
Notes
[1] Mouvement vertical résultant d’une instabilité de densité, en général d’origine thermique. Exemple : la montée des masses d’air échauffées au contact du sol.
[2] L’effet de serre martien fait passer la température globale de la planète Mars de -47 °C à –57 °C, soit un réchauffement de seulement 10°C.
[3] L’effet de serre sur Vénus fait passer la température globale de la planète de -46 °C à 477 °C, soit un réchauffement de plus de 500 °C!
[4] Cette valeur est obtenue en tenant compte de la sphéricité de la Terre et en considérant que le Soleil n’éclaire que la moitié de la planète à la fois.
[5] Le type de rayonnement émis par un corps est fonction de sa température. Comme le Soleil est très chaud, il fournit à la Terre du rayonnement visible. La Terre, plus froide, retourne à l’atmosphère du rayonnement infrarouge (non visible).
[6] Remarquons qu’en passant du rayonnement visible du Soleil au rayonnement infrarouge et invisible, nous doublons la quantité d’énergie par mètre carré.
[7] L’unité ppmv correspond à des parties par million par volume. Exemple : 300 ppmv de CO2 correspondent à trois cents litres de CO2 dans un million de litres d’air.
[8] L’unité ppbv correspond à des parties par milliard par volume. Exemple : 1714 ppbv de CH4 correspondent à mille sept cent quatorze litres de CH4 dans un milliard de litres d’air.
[9] Énergie impliquée dans le cycle de l’eau, c’est-à-dire dans les changements de phases de l’eau. Par exemple, il faut consommer de l’énergie disponible à la surface de la Terre pour évaporer l’eau. Cette énergie est donnée à l’atmosphère lorsque les précipitations tombent car à ce moment, la gouttelette de vapeur d’eau cède son énergie à l’atmosphère en revenant sous forme liquide.
[10]Chaleur qui peut être emmagasinée ou dégagée par un corps à la suite d’un changement de température, sans toutefois qu’il y ait de changement de phase (ex. chaleur transmise par contact d’un corps chaud à un corps froid).
[11]Le GIEC est un panel d’experts internationaux sur les changements climatiques créé par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en 1988.
[12]Une rétroaction est dite positive lorsqu’elle tend à amplifier l’impact d’une perturbation initiale. Alors qu’une rétroaction est négative lorsqu’elle tend à atténuer l’impact d’une perturbation initiale.
[13] Les aérosols sont des particules solides ou liquides présentant une vitesse de chute négligeable pouvant demeurer longtemps en suspension dans l’air.
[14] L’albédo représente la fraction d’énergie réfléchie par rapport à l’énergie reçue. La neige possède un albédo élevé (très réfléchissant – effet miroir) alors qu’une mer calme possède un albédo très faible (corps noir -absorbant).